Choisit-on encore ce qu’on écoute sur Spotify?

Alors que l’année 2018 vient de s’achever, les utilisateurs du service de streaming musical Spotify ont pu écouter comme chaque année la playlist personnalisée qui compile pour chaque utilisateur les titres les plus écoutés durant l’année écoulée. Cette playlist au fonctionnement plutôt basique était accompagnée par une autre playlist personnalisée, « Votre face cachée ». Derrière ce titre peu évocateur (« Tastebreakers » en anglais) se trouve une sélection de cinquante titres qui ne font pas partie des artistes et genres écoutés habituellement par l’utilisateur, mais qui sont tout de même susceptibles d’être appréciés. « Votre face cachée » reprend le principe de ce qui a en partie contribué au succès de Spotify, désormais leader sur le marché des services de streaming musical1 : une playlist de recommandations, personnalisée pour chaque utilisateur.

Depuis l’introduction en 2014 de la playlist personnalisée « Discover Weekly » mise à jour hebdomadairement, Spotify et ses concurrents ont démontré un intérêt croissant pour les systèmes de recommandations musicales personnalisées, pour proposer du contenu toujours plus proche de ce que chaque individu apprécie. Pour perfectionner ces systèmes, de plus en plus de données relatives à chaque titre musical, à chaque utilisateur ou encore au contexte d’écoute sont récoltées, analysées et mises en commun. Face à l’importance prise par les recommandations algorithmiques, on en vient à se demander si les utilisateurs des Spotify choisissent encore ce qu’ils écoutent ou bien s’ils sont à la merci des systèmes de recommandations, régis par des processus qui aspirent à personnaliser au maximum l’expérience de chaque utilisateur grâce aux informations extraites du traitement massif de données.

Pour répondre à ce questionnement, nous allons tout d’abord voir comment l’industrie de la musique a opéré sa mue vers le streaming et ce que cela a changé dans la consommation de la musique. Ensuite, nous nous intéresserons au fait que la numérisation de l’écoute de musique a permis aux services de streaming d’observer les pratiques des utilisateurs d’une manière très précise et de collecter ces données, ce qui a métamorphosé la façon dont la musique est proposée aux consommateurs, avec les playlists contextuelles et la playlist « Discover Weekly ». Enfin, nous verrons quelle influence les enjeux économiques ont sur les recommandations faites à l’utilisateur et comment l’intérêt économique supplante l’intérêt théorique, rendant ainsi lacunaire la connaissance scientifique sur le comportement des utilisateurs dans la consommation de musique et sur les intentions des algorithmes.

La métamorphose de l’industrie musicale

L’industrie de la musique a connu de nombreux bouleversements au cours du siècle passé, avec par exemple l’apparition du CD numérique, mais la révolution des réseaux de communication au crépuscule du XXe siècle l’a profondément changée. L’industrie musicale traditionnelle repose sur un système plutôt simple avec des acteurs dans l’offre et la demande. Du côté de l’offre, on retrouve les créateurs, c’est-à-dire les artistes et les compositeurs, et les représentants de ces créateurs, c’est-à-dire les labels et les éditeurs. Du côté de la demande, on a deux vecteurs de distribution principaux avec la vente, caractérisée par une transaction unique où le produit musical s’échange contre de l’argent, et la radio, où une partie de l’attention de l’utilisateur est monétisée en échange de la gratuité du produit musical2. Ces canaux de distribution présentent un certain nombre de contraintes, notamment en raison de la dépendance du consommateur envers les choix du vendeur et de la radio, ce qui limite la possibilité de découvertes musicales au regard de la quantité de contenu musical produit globalement. Avec les réseaux de communication numériques arrivent de nouveaux modèles de distribution, orientés directement vers le consommateur : les services de téléchargement à la carte, comme iTunes Store Music, lancé en 2003 ; les radios sur internet ; et le streaming à la demande, comme Spotify, lancé en 20083. Avec Spotify, les utilisateurs ont accès à une librairie de plus de 30 millions de titres, soit gratuitement en acceptant d’avoir des interruptions publicitaires, soit en payant un abonnement d’une dizaine de francs par mois. A chaque écoute d’un titre, des royalties (moins de $0.01 par écoute4) sont perçues pour rémunérer les artistes, mais le partage de ces droits d’auteur, plus complexe qu’avec des ventes physiques, fait débat5. Certains perçoivent Spotify comme la réponse salvatrice au fléau du piratage en ligne, tandis que d’autres y voient une forme d’exploitation d’artistes payés un prix dérisoire6. Malgré tout, l’industrie musicale tire en 2018 les trois-quarts de ses revenus du streaming légal. Ainsi, l’industrie musicale n’a pas juste changé de medium, comme avec le passage au CD numérique, mais elle a vécu un changement de paradigme où toute son économie a dû être repensée.

La répartition des revenus de l’industrie musicale aux Etats-Unis, au premier semestre 2018.
Source: Recording Industry Association of America (RIAA) 7

Le passage du modèle de distribution traditionnel de l’industrie au catalogue de Spotify n’est pas sans conséquence sur la façon dont les consommateurs écoutent de la musique. Les principaux effets sont une augmentation radicale de la quantité de musique consommée, une diversification massive des contenus écoutés, et une distribution géographique et culturelle globale8. Les utilisateurs ont dès lors avec Spotify un accès instantané, illimité, diversifié et peu coûteux à la production musicale mondiale. Cette explosion quantitative a fait naître une tendance consommatrice qui pousse à passer à la chanson suivante après seulement quelques secondes d’écoute. Ainsi sur Spotify, il y a plus d’une chance sur trois pour qu’on saute à la chanson suivante dans les 30 premières secondes d’écoute, une pratique impensable sur un disque vinyle9. Le streaming apparaît comme un mélange du meilleur de la radio, en reprenant l’idée des listes de lectures préparées pour l’auditeur et les interruptions publicitaires pour les détenteurs d’un compte gratuit, et du disquaire, puisque l’utilisateur a la possibilité de choisir ce qu’il écoute et de l’écouter à l’infini. De plus, Spotify élimine les contraintes inerrantes à la radio, en donnant la possibilité de ne pas avoir de publicité et de créer ses propres playlists, et au disquaire, en accordant une offre de contenu presque illimitée et en évitant toute dégradation du médium de lecture de par son immatérialité. Le changement de paradigme de l’industrie musicale altère également le rapport à l’espace dans la consommation de musique, puisque les chaînes de radio disponibles à un endroit donné sont définies par cet emplacement géographique et l’achat chez un disquaire implique un déplacement physique et la possession matérielle du produit musical. Avec Spotify, ce rapport contraignant à l’espace disparaît au profit d’une instantanéité et d’une accessibilité jamais vue avant le streaming. De fait, la numérisation de la consommation de la musique a métamorphosé la façon de consommer de la musique de manière générale.

Une consommation musicale passée au peigne fin

Cette consommation numérique de la musique permet à Spotify d’observer avec précision les pratiques et habitudes de chaque utilisateur grâce aux traces numériques qu’il crée. Spotify collecte des données sur ses utilisateurs dès l’inscription, obligatoire, au service, notamment grâce à la possibilité d’ouvrir un compte avec ses identifiants Facebook, une mine d’or en termes de données personnelles. Sur Spotify, un nombre important de données peut être récolté : la consommation musicale de chaque utilisateur ; le contexte social de l’utilisateur ; le contexte temporel, comme l’heure d’écoute ; ou encore le contexte spatial, comme le lieu d’écoute. Chaque interaction de l’utilisateur est enregistrée, qu’elle soit au sein de Spotify ou sur un service externe relié à Spotify10. Par exemple, la console de jeu vidéo PlayStation 4 de Sony permet de connecter son compte de joueur Sony à son compte Spotify et d’écouter de la musique en jouant. Spotify peut ainsi récolter des données sur la consommation de musique lors d’une session de jeu. Les services de streaming ont besoin de rassembler le plus de données possibles sur les pratiques de chaque utilisateur, de son emplacement géographique à son état émotionnel, ce qui est facilité par la démocratisation des smartphones11. Toutes ces données sur chaque utilisateur servent à construire un espace musical, une carte sur laquelle l’utilisateur se trouve et se déplace en fonction de ce qu’il écoute et de la manière dont il interagit avec son environnement12. L’utilisateur est réduit aux données qu’il produit et son individualité n’est plus qu’une individualité statistique, qui se dissout dans l’espace musical créé par l’agrégation des données récoltées13. Ainsi, la collecte massive de données permet à Spotify d’avoir un profil précis sur les préférences de chacun de ses utilisateurs, pour pouvoir proposer l’expérience la plus personnalisée à chacun d’eux.

Le contexte, nouveau genre musical

Spotify propose de nombreuses playlists contextuelles.
Source: Capture d’écran

La quantité de données issues de l’observation des pratiques de chaque utilisateur est utilisée pour alimenter les systèmes de recommandation personnalisés, ce qui change la façon dont la musique est proposée. Spotify se distingue de ses concurrents en proposant à la fois des listes de lecture entièrement personnalisées, comme « Discover Weekly » ou « Release Radar »14, et aussi des playlists destinées à un contexte particulier, qu’il soit social (par exemple « Summer Cocktails »15), temporel (par exemple « Winter Sounds »16) ou spatial (par exemple « Die Dusche »17). Le contexte de l’écoute est de plus en plus étudié et analysé pour améliorer les recommandations faites aux utilisateurs pour leur proposer de la musique qui correspond au contexte dans lequel ils se trouvent18. Le paradigme de la « préférence immuable », selon lequel les goûts de l’individu n’évoluent pas, laisse place à une conception de l’individu statistique comme un sujet en mouvement dans l’espace musical dont les préférences évoluent de manière perpétuelle19. Cette conception de l’individu en mouvement suppose qu’il partage plus de points communs avec les autres individus qui se trouvent au même endroit dans l’espace musical, qu’avec les « versions précédentes de lui-même »20. Les utilisateurs écoutent de la musique de plus en plus en fonction de leur humeur que du genre musical, qui a longtemps été le caractère principal pour classer les musiques21. Spotify estime d’ailleurs que « le contexte est le nouveau genre »22. Il est donc important pour les systèmes de recommandation d’obtenir le plus de données possibles sur le contexte dans lequel se trouve l’utilisateur pour lui proposer les meilleures recommandations, suivant ce qu’il fait, où et quand.

« Discover Weekly », fer de lance des recommandations personnalisées

Le filtrage collaboratif dans la création de la playlist personnalisée « Discover Weekly ».
Source: Nikhil Sonnad – Quartz23

Malgré la place consacrée au contexte dans les playlists créées par Spotify, la playlist hebdomadaire « Discover Weekly » (DW), le système de recommandation phare du service de streaming suédois, ne se focalise pas sur le contexte d’écoute. Actualisée chaque lundi, DW est spécifiquement conçue pour chaque utilisateur et propose trente titres que l’utilisateur n’a jamais écouté, souvent d’artistes qu’il ne connaît pas. Depuis son introduction en 2014, cette liste de lecture personnalisée a tout de suite séduit, de nombreuses personnes exprimant leur surprise d’être comprises musicalement aussi bien par un algorithme informatique24. Pour atteindre ce niveau de satisfaction auprès des utilisateurs, DW combine plusieurs techniques de recommandation pour affiner ses propositions. Tout d’abord, un filtrage collaboratif, qui consiste à analyser les comportements de l’utilisateur ainsi que des autres utilisateurs, est effectué. L’étude du comportement se fait de manière implicite et comprend notamment les titres écoutés, le nombre d’écoutes pour chaque titre, les titres enregistrés dans la Bibliothèque (sur le même principe que les favoris dans un navigateur internet), les titres ajoutés dans une playlist, ou encore les visites des pages des artistes. Le comportement de l’utilisateur est comparé à celui des autres utilisateurs, pour déduire des titres que l’utilisateur n’a pas écouté, mais qui semblent similaires à ce que l’utilisateur a déjà écouté, en fonction de ce que les autres utilisateurs ont écouté. Par exemple, si l’utilisateur A a écouté le titre X et Y et si les utilisateurs B et C ont écouté les titres X, Y et Z, il y a de fortes chances pour que l’utilisateur A apprécie le titre Z. Le filtrage collaboratif est une technologie de base pour tout système de recommandation, c’est pourquoi DW intègre en plus des outils de « Natural Language Processing » (NLP), un domaine qui consiste à analyser informatiquement l’utilisation naturelle du langage humain. Pour affiner les recommandations issues du filtrage collaboratif, Spotify fouille internet à la recherche de données écrites sur les titres musicaux, comme des articles de presse, des publications sur des blogs ou des réactions sur les réseaux sociaux. Des analyses sentimentales sur les données textuelles trouvées servent à déterminer si un titre est connoté positivement ou négativement en fonction de ce qui est dit à son sujet. La fréquence des liens constatés entre les artistes ou les titres est aussi étudiée. Le NLP permet d’ajouter une dimension contextuelle qui va au-delà de l’espace musical créé sur Spotify. L’un des problèmes liés au filtrage collaboratif et au NLP est le fait que les titres populaires ont de plus grandes chances d’être recommandés, puisqu’ils sont écoutés par un plus grand nombre d’utilisateurs et ils sont mentionnés plus souvent sur internet. Pour contrer ce biais, Spotify analyse également le signal audio brut des titres et en extrait des caractéristiques comme la mesure, la tonalité, le tempo ou le volume sonore. Des titres récents, sur lesquels peu ou pas de données existent, peuvent alors être également suggérés aux utilisateurs dans DW25. Spotify a su avec cette playlist mettre à profit le plus de données collectées sur chaque utilisateur et sur chaque titre, et a ainsi surmonté un des défis posés par le « big data », qui n’est pas de « récolter énormément de données, mais de savoir quoi en faire »26, pour au final posséder un produit qui dépasse les attentes des utilisateurs.

L’influence non-dissimulée des intérêts économiques

Les « Branded Moments », le mariage rêvé entre marque et playlists contextuelles.
Source: Spotify27

Avec le succès de sa playlist personnalisée hebdomadaire, Spotify a pleinement pris conscience de l’importance économique d’avoir des systèmes de recommandation, ce qui a une influence sur la façon dont la musique est proposée aux utilisateurs. DW est devenu si populaire que la firme suédoise a dû revoir à la hausse ses investissements dans les playlists algorithmiques28 et dans le marché compétitif du streaming musical, celui qui gagne la bataille pour le meilleur système de recommandations pourrait bien remporter la guerre29. En plus d’apporter de la satisfaction à l’utilisateur en proposant des titres appréciés, les systèmes de recommandation ont tout pour plaire aux annonceurs publicitaires. Grâce aux données récoltées sur le comportement et le contexte d’écoute de chaque utilisateur, Spotify assure à ses annonceurs être en mesure « d’identifier en temps réel ce que fait un auditeur permettant aux marques d’interagir avec les auditeurs dans les moments les plus pertinents »30. Là où la publicité avait auparavant pour but de convaincre de potentiels acheteurs, sans connaître leurs goûts, il est désormais possible de prédire ce que les acheteurs potentiels veulent et à quel moment31. Spotify propose dans certains pays (pas en Suisse pour l’instant) des « Branded Moments » : des marques sont associées à une playlist contextuelle, par exemple la marque de spiritueux Bacardi à une playlist conçue pour les ambiances festives, et les utilisateurs avec un compte gratuit peuvent écouter sans interruption 30 minutes de cette playlist, après avoir regardé une courte pub vidéo de la marque liée à la playlist32. La présence assumée et revendiquée de ces publicités oriente le choix des titres dans ces playlists vers des titres qui ont le plus de chance de plaire au détriment de la diversité. Au lieu d’attirer l’utilisateur vers ce qu’il veut écouter, Spotify propose des titres qui ne sont que des légères variations de ce que l’utilisateur écoute déjà33. Cette tendance influence les habitudes des utilisateurs, en les rapprochant toujours plus de ce qu’ils connaissent déjà34. Cette tendance a des conséquences sur le contenu des playlists prétendument infinies, comme les radios, qui gravitent autour d’un titre, ou les « Daily Mix », des playlists personnalisées pour chaque utilisateur qui reprennent les genres écoutés fréquemment. Une étude réalisée par Pelle Snickars en 2017 démontre que les mêmes titres reviennent à intervalle régulier dans ces playlists censées être infinies, donnant l’impression de tourner en boucle au bout d’un certain moment35. Spotify reproduit dans ses playlists le manque de diversité des programmes radio traditionnels et ne tire pas profit de son catalogue illimité pour proposer une expérience plus enrichissante. Les systèmes de recommandation sont de faux amis, dans le sens où, derrière une apparente bienveillance, leurs motivations économiques et culturelles sous-jacentes sont difficilement perceptibles36. Les enjeux économiques induits par les systèmes de recommandation péjorent l’expérience de l’utilisateur de Spotify avide de découvertes en réduisant la diversité des contenus proposés, au profit de juteux partenariats publicitaires.

La connaissance scientifique laissée pour compte

Cet intérêt économique entoure Spotify et ses systèmes de recommandations d’un secret professionnel qui rend les recherches scientifiques sur le comportement des consommateurs de streaming musical très compliquées à mener, malgré la quantité de données étudiables. La place de la musique d’un point de vue sociologique est importante, puisqu’elle est liée à notre vie quotidienne, à nos souvenirs et aux groupes sociaux auxquels on s’identifie37. L’analyse scientifique des comportements musicaux est donc tout à fait pertinente. Malheureusement, les algorithmes et les données statistiques des utilisateurs de Spotify sont des secrets bien gardés, ce qui crée des lacunes au niveau académique sur la connaissance et la compréhension des découvertes musicales au moyen d’algorithmes
38. Pour son étude, Pelle Snickars a constaté qu’il était presque impossible pour un chercheur d’abandonner son rôle d’utilisateur du service et d’adopter une position objective39. Les entreprises comme Spotify, dont l’intérêt économique surpasse l’intérêt scientifique, bénéficient de plus de connaissances sur les comportements d’écoute en streaming que la communauté scientifique40. Spotify illustre parfaitement le concept de « boîte noire » élaboré par Frank Pasquale41 : la firme suédoise enregistre à la fois toutes les actions de l’utilisateur, mais reste obscure sur l’étendue de sa collection de données et ce qu’elle en fait. Ce manque de connaissance scientifique empêche les utilisateurs de saisir comment les systèmes de recommandations fonctionnent vraiment et quel est, en tant qu’utilisateur, leur véritable impact sur les recommandations qui leur sont proposées.

Conclusion

Alors, a-t-on encore le choix de ce qu’on écoute sur Spotify, malgré la place grandissante accordée aux systèmes de recommandation ? Le catalogue infini de Spotify laisse supposer que nous avons toujours le choix et la possibilité d’écouter autre chose que ce que Spotify nous suggère. Les recommandations externes au service, comme par exemple les conseils d’un ami, la sélection du disquaire du coin ou encore un article dans le journal, sont autant de moyens pour contourner les obscurs algorithmes de Spotify. Cependant, nos préférences sont influencées par la tendance de Spotify de proposer des titres qui se rapprochent toujours plus de ce que l’on connaît et cette manière de façonner nos goûts oriente nos choix et notre consommation musicale. Les recommandations sont conçues pour nous éloigner le moins possible de ce qui est répertorié comme nos préférences, quitte à limiter la diversité proposée malgré un catalogue infini. Cela donne l’impression d’un service faussement bienveillant, où la santé économique de Spotify et de ses partenaires commerciaux prédomine. Si l’accès aux données de Spotify et au fonctionnement de ses recommandations était plus accessible par la communauté scientifique, il serait intéressant de savoir à quel point ce que nous recherchons manuellement sur Spotify est déjà répertorié sur notre profil de préférences comme un titre que nous pouvons aimer et peut-être pourra-t-on savoir à quel point Spotify est en avance sur nos propres goûts musicaux.


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Notes

  1. TURNER, David, « Spotify is testing semi-personalized playlists. What might that mean for record labels? », [En ligne : https://www.musicbusinessworldwide.com/spotify-is-testing-semi-personalized-playlists-what-might-that-mean-for-record-labels/]. Consulté le 10 décembre 2018.
  2. SINNREICH, Aram, « Slicing the Pie: the Search for an Equitable Recorded Music Economy », in WIKSTRÖM, Patrick et DEFILLIPPI, Robert (éds.), Business Innovation and Disruption in theMusic Industry, Northampton MA, Edward Elgar, 2016, p. 153.
  3. Ibid., p. 159.
  4. Ibid., p. 162.
  5. Ibid., p. 161.
  6. Ibid., p. 153.
  7. https://www.riaa.com/wp-content/uploads/2018/09/RIAA-Mid-Year-2018-Revenue-Report.pdf
  8. Ibid., 2016, p. 170.
  9. « The Other Playlists: How Behavior Shapes Songs » [En ligne : https://www.awal.com/blog/behavior-and-algorithmic-playlists-evolution]. Consulté le 10 décembre 2018.
  10. PREY, Robert, « Knowing Me, Knowing You: Datafication on Music Streaming Platforms », in AHLERS, Michael, GRÜNEWALD-SCHUKALLA, Lorenz, LÜCKE, Martin et RAUCH Martin (éds.), Big Data und Musik: Jahrbuch für Musikwirtschafts – und Musikkulturforschung, Wiesbaden, Springer Fachmedien Wiesbaden, 2018, p. 11.
  11. Ibid., pp 14-15.
  12. Ibid., p. 13.
  13. BEAUDE, Boris, « Spatialités algorithmiques », in ROMELE, Alberto et SEVERO, Marta (dir.), Traces numériques et territoires, Paris, Presses des Mines, 2015, p. 150.
  14. TURNER, David, « Spotify is testing semi-personalized playlists. What might that mean for record labels? », [En ligne : https://www.musicbusinessworldwide.com/spotify-is-testing-semi-personalized-playlists-what-might-that-mean-for-record-labels/]. Consulté le 10 décembre 2018.
  15. https://open.spotify.com/user/spotify/playlist/37i9dQZF1DWWzhxZzVxMP3?si=e9s6iN4kTrSCxPSNBLdYUA
  16. https://open.spotify.com/user/spotify/playlist/37i9dQZF1DX4H7FFUM2osB?si=i3o_rGYsTyWF3bo_gD6dIg
  17. https://open.spotify.com/user/spotify/playlist/37i9dQZF1DWWh2pBh7dcti?si=Ry54xUxkTa6DxMPwW-9MXw
  18. PREY, Robert, « Knowing Me, Knowing You: Datafication on Music Streaming Platforms », in AHLERS, Michael, GRÜNEWALD-SCHUKALLA, Lorenz, LÜCKE, Martin et RAUCH Martin (éds.), Big Data und Musik: Jahrbuch für Musikwirtschafts – und Musikkulturforschung, Wiesbaden, Springer Fachmedien Wiesbaden, 2018, p. 14.
  19. Ibid., p. 15.
  20. Ibid., p. 15.
  21. Ibid., p. 16.
  22. Ibid., p. 15.
  23. https://qz.com/571007/the-magic-that-makes-spotifys-discover-weekly-playlists-so-damn-good/
  24. SWANT, Marty, « Even Spotify Is Surprised by the Huge Success of Its Discover Weekly Playlists », [En ligne : https://www.adweek.com/digital/even-spotify-surprised-huge-success-its-discover-weekly-playlists-173129/]. Consulté le 4 janvier 2019.
  25. CIOCCA, Sophia, « How Does Spotify Know You So Well? », [En ligne : https://medium.com/s/story/spotifys-discover-weekly-how-machine-learning-finds-your-new-music-19a41ab76efe]. Consulté le 3 janvier 2019.
  26. PREY, Robert, « Knowing Me, Knowing You: Datafication on Music Streaming Platforms », in AHLERS, Michael, GRÜNEWALD-SCHUKALLA, Lorenz, LÜCKE, Martin et RAUCH Martin (éds.), Big Data und Musik: Jahrbuch für Musikwirtschafts – und Musikkulturforschung, Wiesbaden, Springer Fachmedien Wiesbaden, 2018, p. 19.
  27. https://spotifyforbrands.com/en-US/ad-experiences/branded-moments/
  28. SWANT, Marty, « Even Spotify Is Surprised by the Huge Success of Its Discover Weekly Playlists », [En ligne : https://www.adweek.com/digital/even-spotify-surprised-huge-success-its-discover-weekly-playlists-173129/]. Consulté le 4 janvier 2019.
  29. PREY, Robert, « Knowing Me, Knowing You: Datafication on Music Streaming Platforms », in AHLERS, Michael, GRÜNEWALD-SCHUKALLA, Lorenz, LÜCKE, Martin et RAUCH Martin (éds.), Big Data und Musik: Jahrbuch für Musikwirtschafts – und Musikkulturforschung, Wiesbaden, Springer Fachmedien Wiesbaden, 2018, p. 12.
  30. https://spotifyforbrands.com/en-US/ad-experiences/branded-moments/
  31. PREY, Robert, « Knowing Me, Knowing You: Datafication on Music Streaming Platforms », in AHLERS, Michael, GRÜNEWALD-SCHUKALLA, Lorenz, LÜCKE, Martin et RAUCH Martin (éds.), Big Data und Musik: Jahrbuch für Musikwirtschafts – und Musikkulturforschung, Wiesbaden, Springer Fachmedien Wiesbaden, 2018, p. 12.
  32. https://spotifyforbrands.com/en-US/news/branded-moments-how-our-new-solution-boosts-brand-affinity
  33. SNICKARS, Pelle, « More of the Same – On Spotify Radio », Culture Unbound: Journal of Current Cultural Research, vol. 9, no. 2, 2017, p. 206.
  34. Ibid., p. 206.
  35. Ibid.
  36. PASQUALE, Frank, The Black Box Society: the Secret Algorithms that Control Money and Information, Cambridge, Harvard University Press, 2015, p. 5.
  37. PREY, Robert, « Nothing Personal: Algorithmic Individuation on Music Streaming Platforms », Media, Culture & Society, vol. 40, no. 7, 2018, p. 1087.
  38. SNICKARS, Pelle, « More of the Same – On Spotify Radio », Culture Unbound: Journal of Current Cultural Research, vol. 9, no. 2, 2017, pp 186-187.
  39. Ibid., p. 187
  40. PREY, Robert, « Nothing Personal: Algorithmic Individuation on Music Streaming Platforms », Media, Culture & Society, vol. 40, no. 7, 2018, p. 1087.
  41. PASQUALE, Frank, The Black Box Society: the Secret Algorithms that Control Money and Information, Cambridge, Harvard University Press, 2015, p. 3.

Cyrille Gay-Crosier