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Questions d’épistémologie dans les études numériques

L’apparition des données numériques sur le marché des SHS a provoqué une véritable explosion de disciplines annexes : virtual methods, digital methods, digital sociology, critical code studies, platform studies, etc. Cette multiplication des « études numériques » peut être rapportée à un questionnement d’ordre épistémologique concernant la nature des objets étudiés et les méthodes adoptées pour leur analyse. La notion de « numérique » est effectivement extrêmement vaste : elle s’applique tout autant aux phénomènes observés sur l’Internet qu’aux archives numérisées d’une bibliothèque. L’introduction de l’informatique dans les SHS est à la source de la diversité des méthodes adoptées pour en faire l’analyse, permettant non seulement l’accès à d’importantes bases de données mais également le développement d’outils pour les analyser (Hayles, 2012).

Dans le cadre de ce travail, je souhaite illustrer la pluralité d’épistémologies adoptées par les études numériques. Pour ce faire, je propose d’étudier la notion d’identité personnelle sur les réseaux sociaux permettant une représentation de l’individu, tels que Facebook et Instagram en Occident. Une telle thématique semble tout à fait propice à notre objectif puisqu’elle appelle une lecture à plusieurs niveaux, représentés par les trois sections de mon travail. La première est dédiée à la définition d’Internet considéré comme espace permanent d’actions possibles, et donc opportun pour le développement d’une identité de soi. Cette étude permet de rendre compte des nouveaux enjeux apportés au domaine de la communication et de la constitution de soi, considérée comme processus dépendant étroitement des mises en relations de l’individu avec son environnement social. Néanmoins, une approche générale de l’Internet ne permet évidemment pas de capturer les particularités des plates-formes sociales. Je présenterai donc dans la deuxième section de mon travail des approches épistémologiques portant directement sur les réseaux sociaux : celle des « platform studies » et de l’étude quantitative des usages de ces plates-formes. Dans un dernier temps, j’exposerai le résultat d’études sociologiques dont l’approche du phénomène d’identité sur Internet est plus détachée des données numériques. Il sera alors question d’une possibilité même de l’identité sur les réseaux sociaux, des nouveaux défis présentés par les logiques internes des plates-formes en question.

Ce étude ne saurait commencer sans une définition de la notion d’identité personnelle. C’est sur une telle base indépendante du phénomène numérique que je débuterai mon travail d’épistémologie.

Identité moderne, usages et supports

La sociologie a vécu un tournant majeur dans le courant de la deuxième moitié du XXe siècle, marqué par l’établissement du paradigme des usages (de Certeau, 1990). Au centre de ce bouleversement se trouve la notion d’identité qui n’est plus considérée dans une optique d’imposition mais de création (Voirol, 2011). En effet, suite aux changements socio-culturels vécus durant cette période, les individus semblent ne plus être aussi dociles et déterminés qu’ils ne l’ont été dans le passé : ils peuvent choisir leur parcours de vie privée et professionnelle, manifestent un esprit critique, s’approprient les technologies et en déjouent les usages. L’individu semble dès lors participer à la constitution de son identité via de multiples supports, tels des objets qu’il s’approprie, des communautés qu’il intègre, des activités auxquelles il participe (Martuccelli, 2002). L’identité même en est modifiée : n’étant plus affaire d’imposition due à une condition sociale rigide, l’identité devient un processus en continuel devenir, un développement fluide face aux innombrables possibilités disponibles (Voirol, 2011).

Une représentation simplifiée des conceptions de l’individu. Dans l’environnement de droite, ceux-ci ne se définissent plus par le cadre dans lequel ils sont figés, mais par leurs relations avec de multiples supports à disposition.

Évidemment, les réseaux sociaux généralistes (Facebook, VK, QZone, etc.) semblent se prêter à une telle conception du processus identitaire. Ainsi, Facebook serait un support permettant la construction de soi dans un environnement social. Néanmoins, aborder les réseaux sociaux sous ce seul angle ne permet pas d’en couvrir l’entière complexité puisque le concept de support est premièrement défini par sa fonction (la constitution de l’identité), plutôt que par ses réalisations de natures multiples (objets, communautés, activités, etc.). L’environnement de l’individu et le support même sur lequel il construit son identité doivent être étudiés, afin d’exposer le conditionnement provoqué par ceux-ci (Martuccelli, 2002). Je vais donc m’éloigner de l’épistémologie sociologique pour aborder une étude théorique d’Internet qui apportera des éléments nécessaires à une analyse plus approfondie des mécanismes de construction identitaires sur le Web 2.0.

Internet comme espace des possibles

Dans sa définition la plus laconique, Internet est une « technologie de médiation » (Beaude, 2012), autrement dit un dispositif de mise en commun. L’Internet Society en propose la définition suivante:

The Internet is at once a world-wide broadcasting capability, a mechanism for information dissemination, and a medium for collaboration and interaction between individuals and their computers without regard for geographic location.1

Au delà des fonctionnalités d’Internet que j’exposerai dans un deuxième temps, cette définition insiste sur la spatialité de notre objet qui n’est pas confondue avec l’espace géographique. Au niveau physique, Internet ne se laisse effectivement que difficilement saisir puisque sa structure est décentralisée et discontinue : il n’est pas produit par une machine, ni par les machines elles-mêmes, mais résulte de la mise en relation de celles-ci. En reprenant la thèse selon laquelle le tout est supérieur à la somme de ses parties, il est possible de considérer l’aspect relationnel d’Internet justement comme un tout qui n’est présent dans aucune machine individuelle, mais qui émerge à partir de l’interaction de celles-ci. Autrement dit, Internet est un réseau, un ensemble de relations pour lesquelles la localisation territoriale n’est pas pertinente. Au niveau technique, Internet est réalisé grâce à des protocoles informatiques, notamment les TCP et IP. Cela ne permet pas pour autant de le localiser géographiquement. Premièrement, un protocole n’a pas d’ontologie physique : il n’est qu’un objet abstrait, une liste d’instructions pouvant être réalisées par une machine. Deuxièmement, cette réalisation physique ne permet pas de discrimination géographique puisque les protocoles d’Internet sont produits selon une architecture ouverte. Autrement dit, la technicité d’Internet a été construite dans le but d’assurer une pleine compatibilité au niveau des machines, selon leur système d’exploitation, et au niveau des réseaux régionaux préexistants, selon leur fonctionnement interne.

Ainsi, Internet se définit tant par sa qualité, celle de « medium » à grande échelle, que par les « mécanismes » techniques assurant son existence. Tous deux sont profondément marqués par l’immatérialité, résultant en une impossibilité de localiser Internet dans le territoire géographique. Cela ne diminue cependant en rien l’existence réelle d’Internet qui peut être expérimentée par chacun de ses utilisateurs, et dont les effets sur nos sociétés sont manifestes.

Puisqu’il est un système de relations permettant le contact entre ses éléments indépendamment de leur distance territoriale, Internet se présente comme un nouvel espace, non pas géographique, mais réticulaire (Beaude, 2012). Parmi ses propriétés, Internet se caractérise notamment par 1) la possibilité d’action, 2) la permanence et 3) la mémoire.

Internet n’est effectivement pas uniquement un espace de contact mais également d’action : son contenu informationnel, le cyberspace (Floridi, 1999), est entièrement modulable pour les utilisateurs qui peuvent tant l’augmenter que le modifier. Cette caractéristique est motivée par la variété des réalisations que permettent les aspects techniques d’Internet et des langages informatiques. Ainsi, Internet est un espace de possibles, un espace virtuel, i.e. d’actions en puissance que les internautes peuvent réaliser. Sa temporalité, celle de la permanence, le différencie des anciennes Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) tels le téléphone et la télévision : le cyberspace perdure et est disponible en tout temps, alors que la diffusion du contenu des TICs reposant sur un flux est synchronique et ne peut donc être accessible qu’au moment de leur émission (Beaude, 2012). Cette propriété atemporelle de l’Internet est assurée par sa couche mnésique, celle des espaces de stockages sous-jacents, certes limités à leur structure matérielle mais potentiellement infinie due à l’absence de centralisation physique du réseau (Floridi, 1999). Cette couche mnésique permet non seulement la permanence du cyberspace, mais également l’enregistrement massif de données d’utilisations appelées « traces ». L’hypertraçabilité de l’utilisation d’Internet occupe une place centrale dans les études numériques puisqu’elle représente une source démesurée de données quantifiables (Vinck, 2016).

Une représentation possible des multiples composantes permettant l’émergence d’Internet comme espace virtuel et permanant.

Internet est alors un espace permanant d’actions possibles. De par sa disponibilité et son hypertraçabilité, il est un espace où « l’impossibilité de ne pas communiquer » de la systémique (Watzlawick, 1972) se réalise pleinement. Une telle lecture présente l’Internet comme une extension du monde au delà de son espace physique, permettant la communication en continu, en permanence et en mémoire. Il se présente ainsi comme espace privilégié pour la construction de soi, puisqu’il est un medium entre l’individu et la société, et puisqu’il fait office de support à la construction identitaire. Néanmoins, malgré la pertinence de telles considérations dans toute étude de matériaux tirés d’Internet, celle-ci n’est que trop générale et ne rend pas compte des conditions de production locales des plates-formes sociales. Il convient dès lors de nous rapprocher d’une étude de celles-ci.

Les plates-formes, lieux de possibles et d’impossibles

Une seconde approche constitutive de la thématique de l’identité personnelle à l’ère du numérique est représentée par les « platform studies » (Plantin, 2016), étudiant le fonctionnement interne des plates-formes non pas seulement considérées comme espaces de possibles, mais également d’impossibles. La production d’identités sur les réseaux sociaux repose effectivement sur une quantité limitée d’attributs à la disponibilité des utilisateurs, tel un pseudonyme, un avatar, un réseau d’amis, etc. (Georges, 2009). De plus, chaque plate-forme traite ces données selon des algorithmes qui mènent à la présentation d’interfaces propres à chaque utilisateur et à la réduction de leur horizon des possibles (Bakshy et al., 2015; Cardon, 2015 B). Plutôt que de profiter à la diversité des réalisations permise par l’architecture ouverte d’Internet (Plantin, 2016), une certaine « homogénéisation technologique et culturelle » s’observe (de Mul, 2015) due à la structure interne des plates-formes et à la monopolisation des pratiques culturelles numériques par un nombre restreint d’acteurs du Web 2.0.

Représentation des réseaux sociaux les plus populaires par Pays: Facebook (bleu foncé), Twitter (bleu clair), VKontakte (brun), QZone (rouge), Facenama (vert).
https://en.wikipedia.org/wiki/Qzone#/media/File:Most_popular_social_networking_sites_by_country.svg

Les « platform studies » appliquées au réseaux-sociaux permettent de rendre compte des conditions techniques sous lesquelles des identités numériques peuvent être façonnée. Néanmoins, une approche bornée à la construction interne des plates-formes ne témoigne pas de l’usage effectif de celles-ci et des pratiques émergentes dues à la domestication des technologies par les internautes (Dagiral, 2017). Se limiter à une telle analyse reviendrait à croire faussement que le potentiel des techniques se réduit à l’intention de leur concepteur (Beaude, 2012), alors que des pratiques déviantes du Web 2.0 telle que la création d’adresses de messageries multiples afin de déjouer l’unité de l’identité numérique sont manifestes (Boullier, 2016).

« Carte des liens » réalisée par le projet ALGOPOL à partir d’une analyse de l’activité de 12’694 comptes Facebook. La distance entre les noms de domaine est obtenue par une matrice de cooccurrence au sein des profils étudiés. Les couleurs sont ensuite ajoutées afin de représenter des clusters thématiques. http://algopol.huma-num.fr/appresults/le-web-vu-de-facebook/

Cet usage effectif des plates-formes sociales peut être dévoilé grâce à des études quantitatives profitant d’outils informatiques développés par les Digital Humanities. C’est le cas du projet ALGOPOL qui a constitué une base de donnée de 12’694 comptes Facebook afin de proposer des analyses comportementales sur la plate-forme en question (« Six profils de pratiques sur Facebook », Bastard et al., 2015) et le développement d’un outil de visualisation des relations entre les sites les plus souvent cités au sein de leur échantillon (figure ci-contre).

Des analyses comportementales effectives peuvent donc être réalisées grâce à de telles études quantitatives. Cependant, plusieurs défis épistémologiques émergent de telles recherches. Premièrement, elles ne permettent pas de déterminer si des changements dans les usages sont dus uniquement aux utilisateurs ou à la structure interne de la plate-forme. Résoudre cette tension est rendu d’autant plus difficile que le fonctionnement interne des plates-formes n’est souvent pas donné en clair au public. Deuxièmement, une question se pose quant à la conjugaison entre l’intra- et l’extra-numérique (Rogers, 2015) : dans quelle mesure l’étude de matériaux nativement numérique permet-elle de représenter des phénomènes qui lui sont extérieurs ? Un tel usage des traces nécessite un travail d’élimination des biais d’interprétation possible, notamment en terme de représentativité et de traductibilité d’actions qui ne peuvent être réalisées qu’au sein de l’espace réticulaire.

L’étude proposée par l’ALGOPOL permet d’exemplifier ce deuxième problème : la catégorisation des pratiques d’internautes permet-elle d’expliquer le phénomène de construction identitaire ? Dans le cadre de cette étude, aucun apport théorique n’est constitué : l’analyse se limite aux données récoltées sur le réseau social. Notre problématique initiale se révèle alors à nouveau puisque l’on remarque que, autour d’une même thématique, celle de l’identité à l’ère du numérique, une multitude d’approches se présentent comme pertinente, mais n’offrent chacune qu’une couverture partielle d’un phénomène complexe. Dans la section suivante de mon travail, je m’intéresserai dès lors à la théorisation possible du phénomène d’identité sur les réseaux sociaux, prenant en considérations les usages particuliers et les limites internes aux plates-formes.

Une identité numérique ?

Bien que l’avènement d’Internet ait indubitablement provoqué un bouleversement dans nos constructions identitaires, ce phénomène n’est pas pour autant récent : l’Homme n’a pas attendu l’avènement d’Internet pour se créer des identités multiples. Néanmoins, ce genre de pratique se lie davantage à l’adoption de « fausses identités », autrement dit à l’inadéquation entre identifiants personnels (nom, prénom, âge, etc.) et identifiant choisis et énoncés par le sujet. Cette pratique est un travestissement : elle se construit en opposition à une « véritable identité » et n’est pas à considérer comme constitutive du soi.

Un des intérêts de l’étude des identités numériques relève justement du fait que celles-ci ne sont souvent pas en complète inadéquation avec notre « véritable identité ». Sur Facebook par exemple, il est d’usage d’inscrire son propre nom et sa date de naissance (Georges, 2009). De plus, cette plate-forme repose en partie sur l’exposition de photographies qui, malgré les transformations qu’elles peuvent subir, se rapportent à l’individu physique.

La conjugaison de l’identification entre l’individu et l’utilisateur d’une part, et de l’hyperconnectivité rendue possible par la permanence d’Internet et encouragée par les réseaux-sociaux d’autre part, mène à considérer sérieusement la centralité du Web 2.0 en tant que support aux constructions identitaires contemporaines. Il semble dès lors nécessaire de proposer des études de ces mécanismes identitaires dépassant le recensement de données quantitatives.

Afin d’exposer quelques pistes concernant de telles recherches, je propose de prendre comme cadre de référence l’appareil théorique apporté par Fanny Georges, distinguant trois composantes à l’identité numérique : l’identité déclarative (données saisies par l’utilisateur), l’identité agissante (métadonnées sur l’utilisation de la plate-forme), et l’identité calculée (données quantitatives sur l’utilisateur) (Georges, 2009).

Récapitulatif des trois composantes de l’identité numérique selon Fanny George (George 2009).

Étudier l’identité déclarative ouvre un terrain de recherche sur les stratégies adoptées par les utilisateurs dans leur production de contenu. Sous cet angle d’approche, les réseaux sociaux se présentent moins comme un lieu de dévoilement de soi que d’une projection calculée (Fourmentaux, 2015). En effet, les utilisateurs apprennent de leur expérience la logique interne des réseaux sociaux et agissent en conséquence : le contenu déclaratif apparaît alors moins comme une fin en soi que la recherche de réactions (Coutant, 2015). À l’inverse, d’autres utilisateurs profitent de leur connaissance des plates-formes pour en déjouer les mécanismes et rendre leurs publications opaques au public (Cardon, 2015 B).

Ces stratégies adoptées par les utilisateurs dans la production de leur « identité déclarative » sont autant d’usages engendrés par une reconnaissance des logiques internes des plates-formes qui s’avèrent être majoritairement fondées sur les identités agissantes et calculées. En effet, la diffusion d’informations sur les réseaux sociaux est le résultat de calculs algorithmiques de réputation (Cardon, 2015 A) qui ne nécessitent pas que « l’identité déclarative » soit renseignée (Georges, 2009). Dès lors, et malgré le fait qu’Internet soit un espace des possibles à la disponibilité des usagers, l’identité numérique se révèle n’être qu’en infime partie en prise aux individus. Plutôt qu’un espace de création d’identités toujours en devenir, la logique algorithmique procède à un profilage des identités tout en influençant leur développement possible. L’agentivité humaine se voit alors réduite par ce profilage algorithmique, et les lieux qui semblaient à première vue offrir des supports à la création active du sujet se révèlent être des espaces de conditionnement (de Mul, 2015).

Cette conclusion s’avère d’autant plus choquante que les identités numériques ne peuvent seulement être maîtrisés par les algorithmes. Il s’agit là d’une conséquence à la logique du flux adoptée par les réseaux sociaux (Coutant 2015). Triant l’information par ordre antéchronologique (Georges, 2009), les plates-formes sociales représentent une identité de l’immédiateté, qui se doit d’être constamment active afin d’exister. Dès lors, la fluidité de l’identité moderne est poussée à son paroxysme : elle ne se fonde plus sur des supports ayant une certaine permanence et permettant le rapport de soi à un vécu, mais se rapporte à quelque chose d’immédiat et en continuellement changement. Dans une telle notion d’identité ne reste alors d’ « identique » que l’unité de l’individu dont la représentation se doit d’être mouvante pour exister.

Un tel apport théorique quant à la notion d’identité numérique présente de tout autres aspects que ceux relevés précédemment par l’analyse d’Internet et des plates-formes sociales. Certains auteurs proposant de telles approches vont jusqu’à remettre en question l’utilisation de la notion d’identité sur le Web 2.0, dû à l’absence de « l’identique » précédemment exposée (Coutant, 2015 ; Georges 2009). L’approche épistémologique des études numériques, autrement dit des matériaux utilisés et des méthodes adoptées pour leurs études, se révèle alors présenter une variété de savoirs qui doivent tous se conjuguer afin d’atteindre une transparence suffisante face aux multiples facettes de leur matériau.

Conclusion

L’adoption de la thématique de l’identité numérique s’est révélée féconde pour exposer la complexité des approches épistémologiques au sein des études numériques. Cette multiplicité est évidemment due à la « coproduction » des identités numériques (Cardon, 2008): celle des individus et de leur environnement sociotechnique. Cette conjugaison de plusieurs acteurs appelle une lecture à plusieurs niveaux que j’ai tâché d’esquisser au sein de ce travail. Premièrement, celui de l‘environnement, où Internet est présenté comme espace des possibles et source de la restructuration globale des communications humaines. Deuxièmement, celui des plates-formes, bien plus restrictives que l’architecture ouverte du premier niveau, présentant les premiers signes du conditionnement des identités numériques. Dans un troisième temps, un niveau théorique de la sociologie face au numérique a été ébauché afin de prendre acte des enjeux notables que les deux premiers niveaux imposent à la notion d’identité à l’ère du numérique : celle d’une possible perte de la gestion de son identité, et celle de l’exacerbation d’une identité ne valant que par son actualité.

Bibliographie

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Yvan Uhlmann