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Où est l'espace ?

L'espace est, avec le temps, une de ces réalités qui ne se laisse pas définir aisément. Les limites de notre capacité à penser l'espace se résument en une question : où est l'espace ? Cette simple question, parce qu'elle est récursive, nous rappelle que ce qui nous paraît de premier abord évident (l'espace) ne l'est pas du tout. Il nous semble qu'il s'impose à nous par son omniprésence, mais sommes-nous certains de bien le comprendre ?

...

Cette difficulté à penser l'espace doit beaucoup à notre propension à entretenir une conception matérialiste de l'espace dont il est difficile de se défaire. Le XVIIe siècle avec Leibniz et le XVIIIe avec Kant ont initié un renouvellement important de la pensée de l'espace. Il apparut plus clairement que l'espace ne pouvait être assimilé à une chose matérielle. L'espace ne serait qu'un ordre de la coexistence. Pour paraphraser Kant, l'espace, avec le temps, serait une forme a priori de la sensibilité. L'un et l'autre nous permettent d'appréhender le réel et d'établir des relations entre les choses dont nous faisons l'expérience.

Cette qualité immatérielle et relationnelle de l'espace ne signifie aucunement qu'il n'est pas réel. Il convient en revanche de distinguer la notion de ce qu'elle qualifie. Nous pouvons distinguer l'espace comme concept, l'espace comme l'ordonnancement synchronique de la totalité du réel et un espace comme un ordonnancement particulier.

L'espace que nous habitons est en cela toujours un cas particulier, lui-même composé d'une multitude d'espaces. L'espace est celui de notre appartement, de notre table à manger, de notre chambre, de la maison, de la rue, d'un bâtiment, de la ville, d'un abri bus, d'un banc, de notre région, de notre pays et, de plus en plus, du Monde dans son ensemble. La compréhension de notre environnement suppose de prendre la mesure de l'ordonnancement des réalités qui le constituent et de leurs relations qui en initient le mouvement, la dynamique, le changement. Il s'agit de prendre la distance au sérieux, comme une problématique essentielle des modalités de la coexistence. S'informer, produire, transmettre, évaluer, devenir ou coexister exige sans cesse la mise en relation de réalités inégalement réparties dans l'espace. La ville, une bibliothèque, une école, un hôpital, une fontaine, l'Union européenne ou Internet sont autant d'espaces qui répondent à des problématiques sociales singulières.

Cet enseignement a vocation à illustrer la richesse et la complexité de l'espace et à souligner l'importance de toutes les relations que les individus établissent avec l'altérité. Pour cela, un espace particulier sera étudié : Internet. L'étude de la spatialité d'Internet et des espaces qui le composent offrent une occasion de questionner autrement la singularité des espaces territoriaux. iTunes, Amazon, Facebook, Wikipédia ne sont pas que des services, ce sont aussi des espaces. Ces espaces, parce qu'ils sont totalement créés, offrent une lecture renouvelée des pratiques individuelles et de l'arbitrage qui s'opère quotidiennement entre des espaces territoriaux et réticulaires.


 
Programme simplifié des séances

Commencement
Séance 1 24 février 2016 Présentation générale
Introductions
Séance 2 2 mars 2016 L'espace
Séance 3 9 mars 2016 Internet
Déclinaisons
Séance 4 16 mars 2016 L'information
Séance 5 23 mars 2016 L'information géographique
Séance 6 6 avril 2016 La production
Séance 7 13 avril 2016 La transaction
Séance 8 20 avril 2016 L'évaluation
Séance 9 27 avril 2016 L'individu
Séance 10 4 mai 2016 L'interspatialité
Terminaisons
Séance 11 11 mai 2016 La politique
Séance 12 18 mai 2016 Le Monde - Conclusion

Toutes les séances ont lieu en salle SG 0211

Blog relatif à cet enseignement (->)

Site relatif à cet enseignement (->)

Contact : Assistant du cours Lei Yan (et Jean-Nicolas Fauchille - corrections de projets)


 
Evaluation
Un pré-projet collectif | Une note (1/3) | 6 avril 2016

Un pré-projet de 5000 signes est réalisée collectivement. Ce pré-projet vous permet de rentrer dans le sujet que vous avez choisi en groupe. Le nombre de signes imposés doit être respecté (espaces compris).

Il est demandé de développer une problématique qui met en valeur efficacement la spatialité du site ou du service (territoriale et réticulaire). La qualité de cette problématique sera déterminante dans l'évaluation de la présentation.

L'analyse suppose de prendre en compte :

Le pré-projet doit être envoyé par courriel au plus tard le 6 avril 2016 (séance 6) à 12h à Lei Yan. Une version papier doit aussi être donnée lors de la séance (bureau BP 2 244 ou boite au lettre dans le local à côté du bureau avant 18h ce même jour en cas d'indisponibilité).

La note évalue la qualité de l'analyse et son articulation avec les séances.

Un projet critique collectif | Une note (2/3) | 18 mai 2016 -> 1er juin -> à Lei Yan

Sur la base des pré-mémoires du groupe, un projet critique collectif doit être réalisé.

Ce projet prolonge l'analyse proposée lors du pré-mémoire. En plus de la reprise de l'analyse du site (selon les mêmes critères), le projet doit proposer une critique constructive et suggérer des améliorations de l'espace étudié. Ces améliorations doivent prendre en compte le site lui-même, mais aussi ses relations avec d'autres espaces, dont des espaces territoriaux. Les suggestions peuvent être diverses, mais doivent être en étroite relation avec la problématique spatiale singulière du site. Pour cela, vous pouvez valoriser la spatialité du site (les conditions pratiques de l’interaction et du contact - son architecture).

Les suggestions doivent porter sur :

Le projet doit être remis impérativement au plus tard le 1er juin 2016 (bureau BP 2 244 ou boite au lettre dans le local à côté du bureau). Une version numérique doit impérativement être envoyée par courriel à Lei Yan (URL possible dans le courriel) et être lisible aisément sur une configuration courante.

Le projet peut être sous forme papier (numérisable) ou numérique. Il doit être composé de texte et d'illustrations.

Le texte ne doit pas excéder 7500 signes par étudiant et les illustrations doivent être pertinentes. Le nombre de signe exigé est dégressif avec le nombre d'étudiants :

La difficulté de ce travail reposera sur votre capacité à avoir une lecture spatiale du site que vous avez choisi.

Le plagiat sera lourdement sanctionné. Au mieux, il se traduira par la non validation de cet enseignement. Au pire, il peut engendrer l'exclusion des étudiants conformément à la réglementation de l'EPFL. (cf. Citation-EPFL)

Une carte | Obligatoire, sans note | 11 mai 2016 -> 18 mai 2016

Lors de la dernière séance, le 18 mai 2016, vous devez remettre une carte d'Internet de votre propre conception. Cette épreuve n'est pas notée afin de vous laisser une totale liberté d'expression. En revanche, la remise de cette carte est impérative pour valider cet enseignement.

Une version numérique doit être envoyée la veille du cours (scan, photo ou infographie).

Les logiciels et sources utilisés doivent être cités.

La participation | Un bonus

Au cours du semestre, votre capacité à exprimer clairement des questions, des réponses ou tout simplement des positions ou des attentes, sera considérée dans le cadre de votre évaluation.

Pensez à utiliser la messagerie électronique afin de ne pas attendre le dernier moment pour manifester un problème ou tout simplement poser une question.

La participation fera l'objet d'une réévaluation de votre notation de +/- 0.5 point. Elle a vocation à valoriser votre capacité à contribuer à la dynamique de l'enseignement. Elle n'a qu'une vocation d'ajustement et sera généralement neutre.


 
Programme détaillé des séances

Séance 1 - Commencement
Présentation générale | Où est l'espace ?

- Présentation de l’ensemble de l’enseignement

- Explicitation de la problématique principale (quel est l’espace du social ?) et des sous-problématiques qui seront abordées au cours de l’année (l’information, la production, la transaction, l’évaluation…).

- Présentation des modalités de l’évaluation.


Général


Introduction


Séance 2 – Introductions
L'espace | Conceptions et enjeux

L’espace est ce qui nous rassemble, mais aussi ce qui nous sépare. L’espace est inévitable, il est partout. Nous sommes toujours quelque part, situés et à distance d’autres choses. La compréhension que nous avons de l’espace et les moyens dont nous disposons pour nous en affranchir sont essentiels à notre existence dès lors que, pour l’essentiel, nous ne nous contentons pas d’exister, nous coexistons.

Notre capacité à agir sur notre environnement et à le maîtriser dépend étroitement de nos représentations, mais aussi des relations que nous entretenons avec d’autres réalités, matérielles ou immatérielles, situées elles aussi, mais ailleurs. Maîtriser la distance qui nous sépare de l'ailleurs, c’est se donner les moyens de maîtriser notre existence. La localisation et la communication constituent en cela des enjeux majeurs, engageant l’être au monde positionnel et relationnel des individus.

Comprendre l’espace, c’est aussi prendre la mesure des arbitrages qui s’opèrent parmi ses virtualités. En prenant au sérieux la complexité de la dimension spatiale du social, le Monde est plus lisible. L’espace devient un problème, auquel on peut apporter des réponses. La ville en est une. Internet en est une autre.

Quels sont les espaces de l'espace ?

synchorisation

- Présentation des conceptions de l’espace (absolu, relatif, positionnel, relationnel, matériel, immatériel…).
- Développement d’une conception relative, relationnelle et immatérielle de l’espace.
- Problématisation générale de l’espace comme une des dimensions de la société et comme problématique de la coexistence.
- Présentation des enjeux relatifs à l’espace et à sa conception.

Notions abordées
Espace, distance, lieu, aire, réseau, individu, social, société...

Espaces considérés :
Le Monde, villes, Suisse

Lectures

- Une géographie vient au Monde - 1996 - Jacques Lévy - Le débat n°92 pdf


Séance 3 – Introductions
Internet | Conceptions et enjeux

Internet fait l’objet d’une attention croissante à mesure qu’il s’immisce dans la plupart de nos pratiques quotidiennes. S’inscrivant dans une longue tradition des techniques de la télécommunication, Internet n’a cependant pas plus de 20 ans, 50 ans tout au plus si l’on considère sa conception. L’appropriation d’Internet par une part croissante de l’humanité, lorsque son usage ne rencontre pas d’obstacle majeur (économique, politique ou culturel), témoigne des enjeux dont il est porteur. Il répond à un besoin fondamental des individus et plus encore des sociétés : créer du contact où il y a de la distance.

Les modalités du contact, lorsqu’elles connaissent de tels changements, ne sont pas sans incidence sur les celles de la coexistence et sur la capacité des individus à s’adapter à un environnement profondément transformé par la recomposition de ses distances. L’économie, le droit, la politique, la culture, aucune dimension du social n’est épargnée par un tel changement. La distance et les moyens que nous créons pour nous en affranchir sont tellement structurels de notre existence et de notre identité, que nos valeurs et notre capacité individuelle et collective à gérer la vie en commun s’en trouvent affectées.

Internet constitue un enjeu important. Il n’est pas seulement un réseau. Il est aussi un lieu. Comprendre la dimension spatiale d’Internet suppose de renoncer à la conception matérialiste de l’espace, qui prévaut généralement lorsqu’il est considéré.

Quels sont les espaces d'Internet ?

- Présentation d’Internet (contextes, principes et techniques).
- Problématique spatiale d’Internet
  - Internet comme réseau
  - Internet comme technique
  - Internet comme espace
  - Internet comme lieu
- Développement des logiques de coopétition (tension entre la coopération et la compétition) et arbitrages individuels.
- Explicitation des enjeux de la lecture spatiale d’Internet

- Notions abordées
Matériel, immatériel, virtuel, potentiel, réseau, distance, lieu territorial, lieu réticulaire,client, serveur, p2p, cloud computing, IP, TCP, coopétition…

- Espaces considérés
Google, Wikipédia, Amazon, eBay, Meetic, Facebook, Twitter, iTunes, Second Life,…


Séance 4 – Déclinaisons
L'information

L’information est dans le moindre mouvement, dans le moindre changement de notre environnement. L’information est au fondement de la communication, de la connaissance et du sens. Ce sont précisément nos sens qui, en premier lieu, nous ouvrent sur le Monde pour finalement lui donner du sens. L’information nous informe sur notre environnement, sur nous-mêmes, sur notre état et sur nos actes. Les réalités qui nous entourent nous informent de leur couleur, de leur température, de leur goût, de leur odeur, de leur texture, mais aussi de leurs intentions et de leurs attentes lorsqu’elles sont dotées d’une capacité d’énonciation et d’une réflexivité. Plus rarement, elles nous informent aussi de leur humeur lorsqu’elles sont dotées d’émotions.

L’expérience, comme exposition prolongée à ce qui nous entoure, donne lieu à une information particulière : la connaissance. En intériorisant l’expérience passée de notre environnement, nous en modifions la perception à venir. Un mouvement peut être interprété différemment par des individus dont l’expérience diffère, il en va de même d’un mot, d’une phrase, d’un chiffre, d’une photo, d’une odeur et plus encore des relations.

La connaissance, par accumulation, nous permet d’agir avec une meilleure maîtrise de ce qui nous entoure, d’imaginer les conséquences de nos actes. Nos actions dépendent étroitement de nos représentations et des analogies que nous établissons entre nos actes et leurs conséquences. Il est alors possible d’organiser, d’investir, de planifier et, parfois, de sacrifier l’instant pour un avenir que nous jugeons meilleur. Le contraire, lorsque nous sous-estimons ou méconnaissons la conséquence de nos actes, explique la difficulté que nous avons à maîtriser le cours de nos existences individuelles et collectives.

La circulation de l’information et par continuité de la connaissance constitue en cela un enjeu important. L’écriture fut une étape essentielle, lorsqu’elle offrit à la connaissance l’opportunité de survivre à l’instant. L’imprimerie accrut considérablement ce potentiel, offrant à la connaissance l’opportunité de s’émanciper plus encore des échelles, des temporalités et de l’approximation de la transmission orale. Le vingtième siècle, avec la radio, le téléphone, la télévision et plus récemment Internet, a profondément transformé les conditions de circulation de l’information. Le Monde est renouvellé de notre capacité à échanger sur des étendues de plus en plus vastes. Sans cesse, nous devons nous adapter au décalage qui demeure entre notre environnement et les représentations que nous en avons.

Quels sont les espaces de l'information ?

- Présentation des problématiques spatiales de l’information.
- Développement de ces problématiques dans le contexte d’Internet.
- Logiques de coopétition

Notions abordées
Information, connaissance, interprétation, hierarchisation, intermédiation

Espaces considérés
Google, Google News, Google Books, Google Scholar, Google Trend, Wikipédia, Google Knol, NYT, LeMonde, LeTemps, Agoravox, Digg, Twitter, Facebook, LinkedIn, iTunes U, MIT OpenCourseWare, WikiLeaks...


Séance 5 – Déclinaisons
L'information géographique

Être au Monde c’est, en particulier, être situé. Cette condition, aujourd’hui triviale, ne va pourtant pas de soi. L’information géographique elle-même est inégalement répartie. Aussi, elle est construite d’expériences successives. Elle participe de nos représentations du Monde, de notre capacité à y évoluer efficacement et à prendre connaissance de ce qui, ailleurs, est susceptible de contribuer à notre devenir, de ce qui améliorerait les conditions de notre existence. Parfois, elle est vitale.

L’information géographique, seule, n’est rien. Elle prend du sens lorsqu’elle est associée à d’autres réalités, lorsqu’elle s’inscrit dans un projet. Elle permet de nous situer et de nous aider à prendre la mesure de ce qui nous entoure. Elle est un premier pas vers la maîtrise de notre environnement.

Quels sont les espaces de l'information géographique ?

- Présentation des problématiques spatiales de l’information géographique.
- Développement de ces problématiques dans le contexte d’Internet.
- Logiques de coopétition

Notions abordées
Information, représentation, géolocalisation.

Espaces considérés
Google Map, Google Street View, Bing Maps, Open Street Map, Flickr, Panoramio, Qype, Yelp, City Pulse, Foursquare, Gowalla, Loopt, MadeinLocal, Shopkick, The Shape of Alpha...


Séance 6 – Déclinaisons
La production

Le théorème de Pythagore, la mécanique quantique, le TGV, le béton, le Louvre, l’énergie nucléaire, l’écart-type, l’EPFL, la démocratie ou l’anglais sont autant de productions qui témoignent de notre capacité à créer de nouvelles réalités qui participent elles-mêmes de productions à venir.

La maîtrise de notre environnement et de notre devenir doit beaucoup à la capacité individuelle et collective de production, à notre capacité à nous organiser et à mettre en commun une multitude de réalités, idéelles, matérielles et immatérielles, dont l’agencement singulier crée de la nouveauté.

C’est pourquoi, parmi les productions, certaines ont un statut particulier lorsqu’elles oeuvrent à rendre la distance moins pertinente, lorsqu’elles facilitent la circulation et le réagencement des individus, des idées ou de la matière. En particulier, les moyens de transports ou de transmission, mais aussi les espaces propices à la mise en commun et à la rencontre, sont des modalités fondamentales de la production.

En cela, la dynamique des sociétés s’inscrit dans une tension complexe de réciprocité entre les possibilités et les intentionnalités. Aussi, la production ne se limite pas aux intentionnalités, nos oeuvres les débordant largement, initiant des possibles inattendus.

Quels sont les espaces de la production ?

- Présentation des problématiques spatiales de la production.
- Développement de ces problématiques dans le contexte d’Internet.
- Logiques de coopétition

Notions abordées
Production, action, création, productivité, sérendipité

Espaces considérés
Wikipédia, Google Docs, Doodle, Google 3D Building Maker, Blank Label

Lectures

- The Wealth of Networks - How Social Production Transforms Markets and Freedom - Yochai Benkler - 2006 - Yale University Press (Creative Commons version).

- Democratizing Innovation - Eric Von Hippel - 2006 - MIT Press (Creative Commons version).


Séance 7 – Déclinaisons
La transaction

La production s’inscrit dans des logiques de valorisations sociales qui en assurent la pérennité, la transformation et la circulation. La transaction, en particulier, résume le contexte de la circulation, incorporant dans l’acte d’autres dimensions telles que la légalité, la valeur, le désir, le symbole, l’intention ou le pouvoir.
Pour ce faire, la transaction répond à deux défis spatiaux distincts : l’existence d’une relation entre les réalités impliquées et la possibilité du contact lorsque la distance est significative. Ainsi, l’intentionnalité de la transaction peut être initiée, puis être actualisée.

Le contexte spatial de la transaction explique que les réalités matérielles et immatérielles relèvent de logiques singulières, les conditions de leur communication et de leur reproduction étant fondamentalement différentes. En particulier, une banane, un baril de pétrole ou une couverture présentent des propriétés qui les distinguent radicalement d’une formule chimique, d’un conte ou d’une musique.

Certaines réalités, parce qu’elles sont situées, peuvent faire l’objet de transaction qui n’engage pas le mouvement. Leur valeur peut être tributaire de leur localisation (voies de chemin de fer). Elles peuvent de surcroît, ne pas se prêter aisément au déplacement (Tour Eiffel).

La transaction est une dynamique centrale de la coexistence. Elle assure la circulation sociale des réalités qui participent de notre être et de notre devenir.

Quels sont les espaces de la transaction ?

- Présentation des problématiques spatiales de la transaction.
- Développement de ces problématiques dans le contexte d’Internet.
- Logiques de coopétition

Notions abordées
Transaction, intermédiation, valeur, valorisation, propriété, droit d’auteur…

Espaces considérés
Amazon, iTunes, Bittorent, eMule, eBay, Ricardo, Craigslist, NYT, LeMonde, Netflix...


Séance 8 – Déclinaisons
L'évaluation

La transaction suppose une confrontation des valeurs attribuées à ce qui est transmis. Cette valorisation ne se résume pas à une simple relation entre l’offre et la demande. Elle ne se limite pas non plus à une valeur marchande. L’asymétrie de l’information, les considérations non marchandes et l’inégale valeur accordée par différents acteurs à la même réalité expliquent l’absence de consensus sur la valeur d’un objet, d’un acte, d’un travail et même, dans certaines conditions, d’un individu.

L’évaluation suppose de disposer des informations susceptibles de créer des analogies entre une réalité et un projet. Ce melon sera-t-il bon ce soir ? Cette voiture répondra-t-elle à mes attentes ? Cette eau est-elle potable ? Est-il préférable de se coucher à heure fixe ou lorsque l’on a sommeil ? Ce film me plaira-t-il ? Cet article est-il scientifique ? Cet appartement est-il bien localisé ? Dois-je prendre la voiture ou le train ?

Nombreuses sont les questions qui exigent un processus d’évaluation qui engage les informations à notre disposition. Les modalités de circulation de l’information constituent en cela un cadre important de notre capacité à évaluer notre environnement et à agir conformément à nos attentes.

Quels sont les espaces de l'évaluation ?

- Présentation des problématiques spatiales de la qualification.
- Développement de ces problématiques dans le contexte d’Internet.
- Logiques de coopétition

Notions abordées
Qualification, évaluation, expertise, intelligence collective, multitude...

Espaces considérés
Google, Booking, Digg, Delicious, TripAdvisor, Allociné, Qype, Yelp, Wikipédia, Google Knol...


Séance 9 – Déclinaisons
L'individu

L’individu n’est pas une réalité sociale comme les autres. L’individu est l’unité la plus élémentaire de la production, de la transaction et de l’évaluation. Il est la partie indivisible du social. La société est en cela un agencement particulier, sans cesse réinventé par les relations que les individus entretiennent avec leur environnement (espaces, individus, groupes, institutions, objets, idées…) et stabilisé par ce même environnement. Les modalités de la coexistence supposent en cela un équilibre entre la distance nécessaire à l’individu pour exprimer son individualité et le contact indispensable à la société pour assurer sa collectivité.

La capacité des individus à s’organiser et à mutualiser leur action dans des projets communs complexifie considérablement le contexte de leur action, les engageant dans des intentionnalités multiples et parfois contradictoires. Aussi, l’action individuelle s’inscrit dans un contexte commun, qui en infléchit les potentialités et l’actualisation. L'espaces constituent en cela un enjeu majeur, dans la mesure où il est le contexte de la fabrique du monde en devenir. Les modalités pratiques de la rencontre de l’altérité supposent en effet des espaces propices à la mise en commun et au contact entre la diversité des réalités constitutives de la société.

Dans un environnement où notre action à venir peut être déterminée par nos actions passées, notre capacité à maîtriser nos traces constitue un enjeu d’autant plus important que les dispositifs de collecte automatique des traces se multiplient. Aussi, l’interaction met en tension le respect de la vie privée et l’exigence de la confiance, le contact possible des corps et le maintien de leur intégrité, le respect des engagements et la possibilité de les discuter.

Quels sont les espaces de l'individu ?

- Présentation des problématiques spatiales de l’individu.
- Développement de ces problématiques dans le contexte d’Internet.
- Logiques de coopétition

Notions abordées
Individu, social, société, avatar, vie privée, identité, confiance, norme, valeur.

Espaces considérés
Facebook, Meetic, Twitter, Skyblog, Blogger, Second Life, Meetup, CouchSurfing...


Séance 10 – Déclinaisons
L'interspatialité

Les espaces peuvent être considérés séparément par économie analytique. Ils s'articulent néanmoins les uns aux autres, selon un agencement complexe constitutif de notre environnement. Cette relation entre des espaces de propriétés différentes souligne les enjeux de l'interspatialité, comme mode spécifique d'interaction entre deux espaces.

Selon que les espaces se chevauchent, se jouxtent ou se s'incluent, on parlera de cospatialité, d'interface et d'emboîtement. Ces trois modalités de l'interspatialité recouvrent autant d'enjeux différents de l'interaction spatiale. Selon, l'interspatialité peut tout autant assurer la fluidité et la continuité de l'interaction que la contraindre ou la rendre impossible, lorsque la distance entre les espaces est infinie.

Penser l'interspatialité permet en cela de réduire les tensions d'échelles (emboîtement), les conflits de partage (cospatialité) et les ruptures fonctionnelles (interfaces). Elle permet aussi de mieux penser l'articulation entre les territoires et les réseaux, ne préjugeant pas de celui qui s'impose à l'autre.

Assurer la coexistence, c'est non seulement maîtriser le contact entre des réalités différentes, mais aussi entre des espaces différents.

Quels sont les espaces de l'interspatialité ?

- Présentation des problématiques spatiales de la l’interspatialité.
- Développement de ces problématiques dans le contexte d’Internet.
- Logiques de coopétition

Notions abordées
Interspatialité, cospatialité, interface, emboîtement...

Lieux considérés
La ville, la rue, le bureau, le bâtiment, l'appartement, la voiture, le métro, le Monde...


Séance 11 – Déclinaisons
La politique

La maîtrise croissante des distances se traduit par une extension de l'environnement des individus. Les réalités mobilisées directement ou indirectement impliquent des espaces de plus en plus disjoints et distants les uns des autres. Cela nous engage à partager notre espace avec un nombre croissant d'autres individus, dont les aspirations et les besoins peuvent être convergents, mais aussi contradictoires. Aussi, parce que nous ne pouvons pas tous être tous au même endroit, la localisation devient un enjeu important qui suppose des arbitrages entre ce que l'on partage (mettre en commun) et ce que l'on partage (mettre à distance).

Les modalités de la coexistence posent des problèmes d'autant plus complexes, qu'elles n'appellent pas une solution parfaite, mais la recherche d'un équilibre entre des représentations et des intentionnalités qui ne convergent pas nécessairement. La redistribution des richesses, le traitement des déchets, la production et la distribution d'énergie, la répartition spatiale des services vitaux ou le droit à l'avortement sont autant de problématiques qui exigent de la concertation et la mise en place de règles en commun, que l'on s'engage à respecter.

La politique, qui a précisément vocation à gérer cet art difficile du vivre ensemble, doit donc faire avec l'extension territoriale de son espace légitime. Comment assurer une cohérence interne alors que les limites territoriales sont vastes et débordées par des réseaux ? Comment assurer la mise en commun des intérêts particuliers dès lors que les individus ne se côtoient pas dans leur ensemble ? Comment gérer des échelles qui relèvent de logiques concurrentes de coexistence ?

Quels sont les espaces de la politique ?

- Présentation des problématiques spatiales de la politique.
- Développement de ces problématiques dans le contexte d’Internet.
- Logiques de coopétition

Notions abordées
Démocratie, démocratie représentative, démocratie participative, responsabilité, souveraineté, transparence.

Espaces considérés
Data.gov, Data.gov.uk, Directgov, MySociety.org, Attac, White House, MesOpinions, AgoraVox, Sunlight Foundation...


Séance 12 – Déclinaisons
Conclusion

- Relecture de l’ensemble des problématiques abordées en recentrant l’analyse sur les enjeux de l’espace, de sa conception et de sa problématisation. Une lecture matérialiste, absolue et positionnel de l’espace rend le monde contemporain illisible.

- Echanges sur la singularité des lieux territoriaux et réticulaires.


Indications bibliographiques
   

Lecture obligatoire pour le suivi de cet enseignement :

Boris Beaude (2014), Les fins d'Internet, Fyp éditions.

ou Boris Beaude (2012), Internet, changer l'espace, changer la société. Les logiques contemporaines de synchorisation, Fyp éditions.

Lectures vivement conseillées pour le suivi de cet enseignement :

Jacques Lévy, (2007). Le tournant géographique. Belin.

Michel Lussault, (2007). L'homme spatial : la construction sociale de l'espace humain. Seuil.

William J. Mitchell, 1995. City of bits : Space, Place, and the Infobahn. MIT Press.

Lectures sugérées :

Boris Beaude, 2008. "Internet, un lieu du Monde", in Jacques Lévy (dir.), L'invention du Monde, Presses de Sciences Po, pp. 111-131.

Yochai Benkler (2006), The Wealth of Networks - How social production transforms markets and freedom - a moment of opportunity and challenge.

Danah Boyd (2008), Taken Out of Context: American Teen Sociality in Networked Publics. PhD Dissertation. University of California-Berkeley, School of Information. (more - http://www.danah.org/papers/).

Vannevar Bush (1945), As we May Think. The Atlantic. - http://www.hypertexte.org/blog/?p=125

Michel Callon, Pierre Lascoumes et Yannick Barthe (2001), Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique. Edition du Seuil.

Manuel Castel (2001), The Internet Galaxy, Reflections on the Internet, Business and Society. Oxford, Oxford University Press. (vf. La galaxie internet)

Castells, Manuel (1996, second edition, 2000). The Rise of the Network Society, The Information Age: Economy, Society and Culture Vol. I. Cambridge, MA; Oxford, UK: Blackwell. ISBN 978-0631221401.

Martin Dodge & Rob Kitchin (2001), Atlas of Cyberspace. Addison-Wesley.

Jean-Gabirel Ganacia (2009), Voir et pouvoir, qui nous surveille ? Ed. Le pommier.

William Gibson (1984), Neuromencer.

Stephen Graham (dir.), (2004 [1996]). The cybercities reader. Routledge.

Adam Greenfield (2007), Everyware, FYP.

Eric von Hippel (2005), Democratizing Innovation, MIT Press.

Aharon Kellerman (2002), The Internet on Earth. A geography of Information. Wiley.

Rob Kitchin, (1998). Cyberespace : The World in Wires. Wiley.

Pierre Lévy (1994), L'intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberespace. La Découverte.

Lawrence Lessig. (2001), The future of ideas. The fate of the commons in a connected world.

Lawrence Lessig. (1999), Code and other laws of cyberspace.

Jacques Lévy, 1996. "Une géographie vient au Monde", in Le débat, n°92, pp. 43-57.

Christian Licoppe (dir.) (2009), L’évolution des cultures numériques, FYP.

William J. Mitchel (1995), City of bits. Space, Place, and the Infobahn. MIT Press.

Nicolas Nova (2009), Les médias géolocalisés. FYP.

David E. Nye. (2006), Technology Matters. Questions to live with. The MIT Press.

Howard Rheingold (1991), Virtual Reality, Simon & Schuster.

Richard Rogers, (2004). Information Politics on the Web. MIT Press.

John Seely Brown et Paul Duguid (2000), The Social Life of Information, Harvard Business School Press.

Cass R. Sunstein (2007), Republic.com 2.0, Princeton University Press.

Paul Valery (1928), La conquête de l’ubiquité.

Norber Wiener (1952 [1950]). Cybernétique et société, L’usage humain des être humain. Deux rives. «Qu’est-ce que la cybernétique», pp. 13 à 30.

Dominique Wolton, Mc Luhan ne répond plus. Communiquer, c’est cohabiter.

 

   



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